5121, Greengrass Street ◈ SHANE & PETER

A gauche les toilettes, tout droit le mur, bienvenue chez toi.

Futur locataire ?

© by lizzou

L 'annonce était parue depuis un petit moment déjà et je n'avais plus beaucoup d'espoir d'obtenir une réponse dans l'immédiat. Pourtant, j'avais reçu un mail de mademoiselle Sloane qui semblait s'intéresser à l'annonce. Ma recherche de locataire. J'étais sociable et avais de la place alors je m'étais dit, pourquoi pas ! Pourquoi ne pas offrir un peu d'espace et de confort à une personne qui aurait moins de moyens. Par cela, je visais beaucoup les étudiants et jeunes qui arrivaient dans le milieu du travail mais tout autre personne m'aurait très bien convenu. J’espérais ne pas faire peur à l'intéressée et même parvenir à lui faire apprécier la rue et ma grange rénovée qui n'avait plus rien d'une grange. Cela étant et même en étant très compréhensif, je tenais à mes quelques règles énoncées dans l'annonce. C'était la condition sine qua none. J'avais un boulot qui me prenait beaucoup de temps et qui amenait énormément d'imprévus, je n'avais pas le temps de m'occuper du double de choses avec la venue d'un locataire. Bien sûr, j'espérais que la location offrirait une bonne entente entre nous deux mais si le point crucial n'était pas respecté, je risquais de vite me mettre dans tous mes états. Et je pouvais être pire qu'une femme ! Désolée mesdames mais quand vous vous mettez en pétard, avouez que viennent les ravages ! Et bien, ce n'est rien à côté de ma petite personne en colère. Je ne suis pas un caractériel mais lorsqu'on me pousse à bout, c'est la fin du monde. Content donc d'avoir enfin une réponse, je demandais à un collègue d'interroger pour moi un témoin qui venait d'arriver, le temps d'aller accueillir Shane Sloane. Je rentrais calmement au 5121 Greengrass Street et attendit patiemment de voir ma petite visiteuse arriver. Prenant mon mal en patience, je sortis une cigarette et pris quelques bouffées avant de sortir les clefs de la maison et de les placer sur la serrure près à ouvrir.

Aujourd'hui était un grand jour. En effet, j'allais visiter une maison. Bien sûr, je n'avais pas les moyens d'en acheter une, mais j'avais trouvé une annonce d'un homme recherchant un colocataire. Je m'étais décidée à aller voir, au moins pour visiter et pour voir si le feeling allait passer avec ce Monsieur Walker. J'appréhendais un peu ce moment, ne sachant pas trop comment cela allait se passer. Après tout, envisager de vivre avec une personne que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam n'étais pas aisé. Je n'étais pas sûre d'emménager, notamment car je n'étais pas sûre de pouvoir m'entendre avec lui. Je n'étais pas forcément la fille la plus sociable qui soit... De même, je ne savais pas à quel train de vie j'aurais le droit si j'y emménageais. Cela faisait des années à présent que je n'avais vécu avec personne et je ne savais pas si je pourrais m'y habituer. Mais bon, le loyer allait encore augmenter ce mois-ci et sous peu je n'arriverais probablement plus à le payer. Alors cette colocation dans une maison avec pour seul frais une participation à la l'alimentation et maintenir la maison en ordre ne me semblait pas être des plus difficiles.

Je choisis une robe blanche à motifs pastels cintrée sous la poitrine et évasée m'arrivant au dessus des genoux, que j'agrémentais d'un sautoir et d'une veste en jean. J'enfilais des ballerines compensées blanches puis vérifiais mon maquillage. Mes yeux étaient cernés de noir et ma bouche glossée d'une teinte claire. Je maintenais mes cheveux en arrière par deux mèches prises devant. Plutôt satisfaite de mon apparence, je saisis ma besace ainsi que mes clefs de voiture et sortis. Je montais ensuite dans mon pick-up et suivis le plan de la route que j'avais imprimé le matin même. Je finis par trouver et m'engageais dans la courte allée qui menait à la maison. Je jetais un coup d'œil à la bâtisse de deux étages. Vu de l'extérieur, celle-ci semblait rustique. Cela faisait un choc comparé à la ville. Je décidais de ne pas me laisser démonter et coupait le contact en regardant l'heure: 15h02. Un homme attendait sur le perron. Ce devait être lui. Je pris ma besace sur le siège passager et sortis, me dirigeant vers lui. Celui-ci était en train de fumer, les clefs déjà sur la serrure. J'espère qu'il n'attendais pas depuis trop longtemps. Je le saluais:

- "Bonjour, vous devez être Monsieur Walker. Je suis Shane Sloane."

Me sentant un peu bête, je lui tendis la main en débitant mes paroles...

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Futur locataire ?

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T rès vite, j'en vains à observer les voitures qui passaient dans la rue, cherchant à déterminer laquelle de toutes celles-ci finirait par s'arrêter devant chez moi. J'étais un peu stressé tout de même. Je n'avais pas vraiment l'habitude de m'improviser agent immobilier et de faire visiter mon chez-moi. Sauf à mes amis bien sûr mais là, c'était autre chose. La jeune demoiselle Sloane risquait de devenir une part importante dans la maison et c'était quelque chose qui m'était inconnu. Je n'avais que peu de souvenir d'une vie de famille et pour le reste, je suis rarement resté au même endroit suffisamment longtemps pour partager un logement. C'était sans doute l'armée qui faisait ça et la perte d'un trop grand nombre d'amis sur le front. Retournant à mon observation, je finis par repérer un pick-up qui se dirigeait droit vers la maison. Sûr d'avoir affaire à Shane Sloane, je lui laissais le temps de se garer et de sortir de son véhicule avant d'esquisser le moindre geste. Je laissais la clef sur la serrure et avançais un peu à la rencontre de la demoiselle en remarquant tout de même qu'elle était un jolie brin de femme, bien habillé. Pour ma part, je restais simple avec ma chemise bleue ciel à col ouvert et ce jean, idéal pour cavaler à la suite des suspects. J'aurai pu faire un effort vestimentaire, c'est là que je m'en rendais compte mais finalement, il valait mieux qu'elle puisse juger de manière fiable la personne que j'étais. Pas d'artifice, pas de déguisement, c'était mieux. Je lui offrais un gentil sourire et serrais la main qu'elle me présentait. « En effet, lui-même. Ravi de vous rencontrer ! Et appelez-moi plutôt Peter, je suis pas très conventionnel comme garçon et je vais me sentir vieux avec le monsieur. » Et c'était vrai, au boulot on m'appelait rarement monsieur, même jamais. C'était lieutenant ou le flic ou bien encore, Peter. J'allais écraser ma cigarette dans le cendrier qui traînait sur la marche avant la porte d'entrée et me retournais vers mademoiselle Sloane. « Désolé pour la cigarette, j'en fume rarement mais j'ai eu une bonne mâtinée chargée, ça m'a fait du bien. Vous … vous fumez ? » Petite question pour engager la conversation et aussi pour savoir. Car si Shane décidait d'habiter ici, il serait bien de le savoir. « Bon, je vais pas vous faire poireauter dehors plus longtemps, c'est pour visiter un peu la maison que vous êtes là. Je ne sais plus si c'était marqué sur l'annonce mais la maison est en fait une ancienne grange. Ça se voit un peu à vrai dire, à la hauteur mais tout de même. Elle a été entièrement refaite à neuf et tout est moderne. Il reste juste le demi-étage qui montre que c'était une grange avant. » La maison était en effet plutôt haute et l'étage était visible sur une partie du rez de chaussée, notamment de l'entrée et salle à manger. L'espace était vaste et sous forme loft. On pouvait voir dès l'entrée, la cuisine qui elle se trouvait sous l'étage ainsi qu'une chambre et une petite salle d'eau. Un escalier joliment peint et de chaque côté, gauche et droite du rez de chaussé permettait de rejoindre l'étage. La première pièce en haut donnait une vue impeccable sur la partie loft et on n'était protégé de la chute que par une solide rambarde. Cette pièce était un grand coin bibliothèque qui faisait gagner un couloir où plusieurs portes menaient aux deux chambres, au bureau et à la grande salle de bain. Une maison bien respectable dans cette rue mais dont le prix était moindre de part sa nature première. C'était tout cela que j'allais montrer à Shane et j'ouvris la porte en m'effaçant, la laissant entrer la première. « Vous habitez déjà sur Lakeview où vous cherchez à emménager dans la région ? »

L'homme me mit tout de suite à l'aise en m'annonçant qu'il était ravi de me rencontrer et me priant de l'appeler Peter plutôt que Monsieur. Il ajouta même qu'il n'était pas très conventionnel. La visite commençait très bien. Il s'apprêta à écraser sa cigarette lorsqu'il se reprit et s'excusa pour la cigarette en me demandant si je fumais. Je m'empressais aussitôt de lui répondre:

- Oh ne vous excusez pas. En effet il m'arrive de fumer, mais surtout quand je suis au travail ou en soirée. Enfin quand je dis au travail je parles bien sûr de mes pauses ou de quand j'en sors.

Je lui souris, pensant qu'il m'arrivait aussi de fumer autre chose que ce à quoi il pensait en me posant cette question. J'allais devoir freiner cela aussi car il y avait peu de chance que je puisse continuer ce genre d'habitudes en vivant avec un membre de la police. Le simple fait d'y avoir pensé semblait risible. Le dénommé Peter enchaina la discussion en m'expliquant que sa maison était une ancienne grange rénovée. La bâtisse était imposante, mais ce ne fut rien comparé à la hauteur sous plafond que je vis lorsque l'homme m'ouvrit la porte afin de me laisser entrer la première. Et en plus il était galant. J'entrais dans le salon d'où on voyait une cuisine ouverte sur la droite, séparée par un poêle arrondit tandis qu'un mur s'étendait de l'autre côté. Il y avait un escalier de chaque côté menant au demi-étage comme il disait. C'était comme une mezzanine qui semblait accueillir plusieurs pièces, avec un rambarde qui semblait être en bois robuste. Cette partie apportait tout de suite de la chaleur à la demeure, de part sa teinte rougeoyante. Quand à la cuisine, à première vu elle semblait froide de part sa teinte grise. Le salon dans lequel je me trouvais, toujours proche de l'entrée semblait combiner les deux styles, cumulant le côté rustique à la modernité. Alors que mes yeux faisaient le tour de la maison, enfin de ce que je pouvais en voir de là où je me trouvais, Peter me demanda si j'habitais déjà Lakeview où bien si je comptais y emménager. Je lui répondis:

- J'habite dans un petit appartement à Lakeview, mais mon propriétaire se fait un malin plaisir à ne faire qu'augmenter mon loyer, donc ça devient un peu dur de ce côté-là. Et vous, ça fait longtemps que vous habitez ici?

J'étais aussi curieuse à propos de la maison que de l'homme qui y demeurait, car après tout si j'emménageais ici, je devrais adopter les deux. Je regardais autour de moi, attendant sa réponse...

5121, Greengrass Street ◈ SHANE & PETER

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J J'étais finalement content de faire visiter ma maison. Ce n'était certes pas dans mes habitudes mais cela voulait sans doute dire que j'aurai bientôt un peu de compagnie et ça me réjouissait. J'avais toujours été de nature sociable mais en dehors des collègues, des jeunes femmes qui passaient par la chambre ou de tout autre commerçant, je ne tentais pas d'établir le contact. C'était une chose qui, peut-être, changerait si Shane devenait locataire. Ce serait une autre sorte de relation et une partage différent des choses. En l'entendant me répondre au sujet du tabagisme, je souriais gentiment. « Une chose est sûre, si vous avez envie de fumer ici, vous pouvez le faire. Si vous choisissez d'emménager ce sera aussi chez vous après tout et comme je l'ai dit, les conventions, le côté coincé du : je ne veux pas qu'on fume chez moi … c'est pas moi du tout. Je serais même plutôt laxiste généralement. Je sais ce que c'est que d'être jeune. Enfin attention, je dis pas que je suis vieux mais quand j'étais … plus jeune que maintenant disons, je n'étais pas vraiment irréprochable alors ce serait malvenu de ma part de faire de grands discours et des réflexions à tout va. » Et pas irréprochable, c'était peu dire … mais je n'allais pas entrer là-dedans, c'était le passé. Et remuer le passé n'était pas toujours bon. Sans plus attendre, je faisais entrer la demoiselle Sloane en posant une nouvelle question. J'allais rapidement poser mon mug de café qui était resté sur la table ce matin, dans l'évier et l'écoutait me répondre tout en cherchant une autre chose qui ne serait pas à sa place. Le salon sur la gauche de l'entrée avec ses deux gros fauteuils et son canapé assorti semblaient impeccables, tout comme la table basse qui n'avait plus les traces de sa pizza de la veille. Ma grande plante juste à côté de l'escalier gauche ne manquait pas d'eau. Le poêle était propre. La table à manger était nettoyée et les quelques paysages de cascades et de forêt tropicale accrochée au mur du côté salle à manger ne penchaient ni d'un côté ni de l'autre. Tout semblait en ordre. Il n'y avait que le grand tableau du pont de San Francisco sur le mur de gauche qui descendait un peu mais il n'y avait rien de flagrant. Tout était parfait ou presque. Il restait quand même un couvert et le mug dans l'évier de la cuisine même si on ne l'apercevait pas de là et le frigo de la cuisine aménagée qui laissait échapper un peu de son eau gelée … il allait falloir que je décongèle le réfrigérateur mais on verrait ça plus tard. Faisant comme si tout était normal, je répondais tout d'abord à la question de Shane. « Ah, le pouvoir tout puissant des propriétaires … et malheureusement, y a rien à faire. » Je me souvenais avoir eu plusieurs plaintes du temps où je débarquais chez les flics de locataires en colère … peu de résultats pour beaucoup de paperasses. « Je vis à Lakeview depuis toujours quasiment, enfin depuis mes douze ans. Et hormis mes années à l'armée, j'ai toujours habité dans le quartier. » C'était tout ce que je pouvais en dire sans faire fuir Shane et c'était le plus important. Reprenant mon statut d'agent immobilier, je la laissais évoluer dans la pièce. « Comme vous le voyez, il y a un grand effet loft sur le rez-de-chaussée mise à part la chambre et le petit coin salle d'eau au fond. » Je désignais vaguement le côté gauche derrière l'escalier où se cachait les deux pièces précédemment citées. « Vous faites quoi comme études ou boulot sinon ? »

J'acquiesçais aux dires de Peter tout en observant ce qu'il me montrait. Il ramassa son mug qu'il avait du oublier sur la table le matin-même et le déposa dans la cuisine. Ce petit geste insignifiant me mit encore plus en confiance car cela montrait que je n'étais pas tombée sur un maniaque du rangement et de la propreté. Les quelques petites imperfections que je voyais rendaient l'endroit plus accessible. C'était rassurant en quelque-sorte, me montrant que je me retrouvais en compagnie d'un humain tout ce qu'il y a de plus normal et non pas d'une marionnette que la vie avait transformée au fil des ans.

- Je suis serveuse au Frenchfries depuis que j'ai emménagé à Lakeview, ça va bientôt faire deux ans. C'est le premier emploi que j'ai trouvé.

Pour ne pas dire le seul... Il faut bien avouer que je n'avais pas cherché loin, me contentant de répondre à la première annonce que je trouvais. Je ne voulais pas me prendre la tête avec un emploi trop intellectuel, bien que je dusse retenir les commandes ce qui n'était pas forcément chose aisée lorsque l'endroit se retrouvait bondé. Mais j'avais par dessus tout choisi cet emploi car ce n'était pas le genre d'endroit où l'on se faisait particulièrement remarquer. Pas vraiment d'évolution possible et la plupart du temps il fallait démissionner pour pouvoir quitter cet endroit. Mais je m'en fichais. Travailler au Frenchfries était devenu une seconde part de ma personne, une partie de ma vie à part entière. Par ailleurs, je ne me sentais pas prête à essayer autre chose. Cela faisait tellement longtemps que je travaillais dans des fastfoods que je ne me voyais plus changer. Sauf si quelque-chose m'y obligeait bien sûr... Je lui rendis la question:

- Et vous, j'ai vu dans votre annonce que vous étiez policier, vous faites quoi exactement?

Je continuais la discussion tandis que je faisais un tour dans le salon. Je n'arrivais pas à déterminer si les tableaux le rendaient impersonnel ou bien s'ils apportaient une sorte de chaleur avec leur univers évoquant pour la plupart la nature. Un seul détonnait parmi les autres. Celui-ci représentait le pont de San Francisco. Je me demandais si ces tableaux évoquaient une envie de voyage ou bien tout simplement des souvenirs. Je me promis de lui poser la question un peu plus tard. A la place ce fut une toute autre interrogation qui franchit mes lèvres:

- Vous avez toujours vécu seul?

Je ne voyais pas pourquoi je lui avais demandé ça. J'aurais peut-être du l'interroger sur les tableaux plutôt. Quoiqu'au demeurant cela aurait pu être tout aussi personnel. Je me repris aussitôt en me dirigeant vers la cuisine:

- Pardon si c'est indiscret... C'est juste que je me demandais pourquoi souhaiter un colocataire. En avez-vous déjà eu d'autres auparavant?

Bien rattrapé Shane! La curiosité n'est que rarement bien perçue, pas la peine de te mettre à dos l'homme qui était susceptible de t'offrir un toit pour une misère! J'observais la cuisine, ne m'attardant pas sur ce qui trainait dans l'évier. Même s'il me faudrait un temps d'adaptation, je pense que je pourrais me plaire ici. J'attendis la suite de la visite...

Nouveau message Expéditeur: Unknown Destinataire: Shane A. Sloane Message reçu, aujourd'hui. ____________________________ N'ait pas peur d'avouer que tu n'es pas parfaite parce que tu sais quoi ? Lui ne l'est pas, il vient juste de te mentir à l'instant. -W

Nouveau message Expéditeur: Unknown Destinataire: Peter L. Walker Message reçu, aujourd'hui. ____________________________ Tellement confiant ... une parfaite petite locataire que tu as là, trop parfaite pour être vraie, comme si elle avait quelque chose à cacher. -W

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J e l'écoutais me parler de son travail en hochant légèrement la tête. Cela me rassura d'une certaine manière, de remarquer que même la nouvelle génération n'était souvent pas plus orientée pour trouver un boulot. Ce travail de serveuse au Frenchfries paraissait être plus un choix par défaut qu'un choix volontaire. C'était à la fois rassurant pour moi qui n'avait pas su faire les bons choix et exaspérant, pour elle, de remarquer que rien n'évoluait même avec le temps qui passait. Je trouvais ça terrible qu'après tant de temps on n'aide toujours pas plus les jeunes dans leur recherche et que rien ne soit mis en place pour favoriser leur insertion dans le monde du travail. Mais nous n'étions pas là pour parler de ce qui n'allait pas dans notre société. « Et vous n'avez pas envie de trouver autre chose ? Vous avez fait des études avant cela ? » C'était plus par un intérêt quelconque pour Shane que par curiosité malsaine que je posais cette question. Si elle répondait oui, je serais même prêt à chercher parmi mes connaissances s'ils ne cherchaient pas quelqu'un. Peu importe qu'elle devienne ou non ma locataire, si je pouvais l'aider et si elle le voulait, je me ferais un devoir de le faire. Elle me rendit rapidement ma question et j'esquissais une moue gênée. Ce n'était pas que je ne voulais pas en parler mais je ne rentrerai sans doute pas dans les détails tout de suite. Tout le monde connaissait le boulot le flic mais le vivre était tout autre chose. Même les photos des scènes de crimes étaient bien souvent traumatisantes. « Normalement, je suis à la criminelle mais comme Lakeview est une petite ville, il m'arrive d'intervenir pour tout un tas d'autres choses. Ce que j'adore le plus c'est régler les problèmes de voisinage ... » Clairement, l'ironie perçait dans ma voix pour la fin de ma phrase et je souriais gentiment en l'observant faire le tour du salon. Elle sembla attiré par les tableaux et photos au mur. Je l'entendis rapidement me poser une question qui me fit relever la tête et la fixer un instant, un peu perdu avant de reprendre contenance. Elle s'excusa de son indiscrétion et je hochais rapidement négativement la tête. « Oh non, ne vous inquiétez pas. C'est juste que … oui j'ai plus ou moins toujours vécu seul. » J'aurai pu m'étendre plus mais je jugeais que, ne nous connaissant pas suffisant, mes paroles auraient été trop personnelles. « Et bien pour tout vous dire, je n'ai jamais vraiment partagé ma maison. Je n'ai eu de la compagnie que quand j'étais jeune avec ma sœur mais depuis … J'ai beaucoup réfléchi avant de proposer une location mais je me suis rapidement dis qu'une grande maison pour moi tout seul alors que d'autres cherchent désespérément un logement dans leurs petits moyens, c'était mesquin. Et j'avoue qu'avoir quelqu'un avec qui parler quelques fois le soir en rentrant, ça ne fait jamais de mal. » J'avançais plus avant dans la pièce et m'appuyais sur la rampe de l'escalier. « Je vous fais voir l'étage ? » Je commançais à monter une ou deux marches en attendant sa réponse. « Si la maison vous plaît et que vous convient comme colocataire vous pourrez voir que vous aurez le choix de la chambre entre celle du rez-de-chaussée et... » Je fus interrompu par la sonnerie de mon portable que j'avais laissé dans mon veston qui pendait sur une chaise de cuisine. « Excusez-moi, c'est peut-être le boulot. » Je redescendais rapidement les marches et trottinais jusqu'à la cuisine en cherchant l'appareil. J'ouvris le message et fronça des sourcils. Encore lui. Encore W. J'analysais son message. Ce gars quel qu'il soit était un salop de première et ne manquait pas une occasion de sortir des phrases mesquines mais je reconnaissais que ce qu'il disait avait toujours un fond de vérité. Alors aujourd'hui quoi ? Il avait raison sur Shane Sloane ? Je levais les yeux vers elle pour l'observer, le visage un peu plus fermé que précédemment. Je verrais bien ce qu'il en était. Je ne devais pas accorder trop de crédit à ce que disait cet abruti. Il n'avait pour but que de détruire la vie des autres, les mettre mal. Il ne se laisserait pas avoir. Mais malheureusement, le mot et le doute s'insinua en lui. Il devait poser une question. « Vous … Auriez-vous quelque chose que vous voudriez me dire ? Quelque chose qui serait bon que je sache si nous cohabitons ? » Je souriais gentiment, l'invitant à la confidence en espérant que W se trompe totalement et qu'il soit seulement mesquin.

Abandonné & verrouillé.