Quand l'Art s'en Mêle...

« Si toute vie va inevitablement vers sa fin, nous devons durant la notre, la colorier avec nos couleurs d'amour et d'espoir. » ► MARC CHAGALL

Arcs purs, nuages flous puis nets, traits fins... Ma mine grise parcourt la surface granulée de ce blanc cassé avec légèreté de plume. Je clos mes paupières, m'enfermant dans ce monde bleu et blanc. L'ange tourbillonne, il se prélasse au soleil, profitant de son éternité. Alors que mes yeux redécouvrent le papier, ma main gauche s'y promène avec rapidité et précision, guidant les traits fragiles de mon crayon gris. Crack, je dérape. Toujours concentré, j'attrape une gomme et consume son bout sur la feuille imprégnée de carbone mal placé. Je continu mon bonhomme de chemin durant quelques temps, je ne sais pas exactement combien de minutes ni d'heure. Sur un air de Prélude je termine mon œuvre en y glissant mes doigts avec douceur en estompes précises et fluides, aimant déjà ce dessin à son juste titre. Je ferme les yeux de nouveau, redécouvrant encore une fois mon dessin une fois que je les ouvre. Cet ange posé sur son nuage, son air mélancolique qui fixe le soleil à son millésime et son bras tendu vers l'éternité. Je souris, fier de mon coup de crayon. Gaucher et bien content de l'être - même si je sais que ça n'engage rien, il me plait de dire que les gauchers sont minoritaires mais plus particuliers.

Fermant rapidement ma pochette à dessin - trop mal sans doute - je m'empresse de sortir du café où je me trouvais. L'établissement commençait à être trop fréquenté à mon goût. L'heure matinale à laquelle j'étais arrivé était largement passée, il me fallait nouvelle source d'inspiration. Oui, je voulais encore dessiner. Il y a des périodes où je ne dessine pas pendant quelques semaines, voir quelques mois, et puis un beau jour l'envie de reprendre me tomber dessus, on ne décide pas de ces choses là. Mais j'étais sans doute trop pressé, voilà qu’apparaît une personne sur mon chemin. Je ne la vis que trop tard et n'eus d'autres choix que de rentrer dedans... Je m'étale par terre avec elle ainsi qu'avec ma pochette et ma trousse. Mes dessins, mes beaux dessins... Je vois nues, natures mortes, paysages fantastiques et croquis de personnes de l'école virevolter dans les airs. Mon ange aussi tourbillonne, tout comme dans mon rêve. Je le rattrape avant qu'il ne s'échappe, range très succinctement mes dessins avant d'aider la personne que je venais de faire chavirer à se relever.

Pour éviter toutes confrontations, je m'excuse rapidement, récupère ma pochette à dessin fâcheusement rangée et, vert de honte, file à l'anglaise sans demander mon reste. A-t-elle vu mes dessins ? Je n'en sais rien, je ne préfère pas le savoir, je n'en serais que plus embarrassé. J'avais fuit son regard et la foule ambiante du centre-ville. Une fois sorti, jonché sur ma moto, je m'arrête dans un camping. Je me pose donc sur un banc afin de correctement ranger mes affaires et réfléchir à un endroit calme dans lequel je puisse dessiner en toute tranquillité. Je me sentais terriblement mal d'avoir laissé cette personne à son triste sort, sans doute déboussolée par l'incompréhension totale de mon comportement déloyal. Ce n'était habituellement pas mon genre, je mettais une touche d'honneur à toujours respecter les principes de politesse et d'éducation que l'on m'avait enseigné, mais la simple idée qu'elle ait pu voir un bout de mes dessins me mettait dans une gêne indescriptible. Mon univers est particulier et pas tout le monde peut le comprendre malheureusement. J'ai pris mon sac et ma pochette et je suis parti dans les alentours du lac, histoire de trouver un petit endroit tranquille ou personne ne va vraiment...

Thomas A. Boisdavid & Tyee H. L. Daendels

CODE BY AMIANTE

Arts.

Il y avait des choses que je voulais lui dire, mais je savais qu'elles allaient le blesser. Alors je les ai enterré, et je les ai laissé me faire mal. ━ Jonathan Safran Foer.

C'était idiot.
C'était d'autant plus idiot qu'il ne tiendrait pas deux minutes dans cette position. La surprise et l'angoisse faisaient réellement faire n'importe quoi, et ses iris gris, noyés, grands ouverts, ne diraient pas le contraire. Il préféra fermer les yeux. Faire silence. Pas une bulle pour trahir sa présence, mais cela ne durerait pas bien longtemps. Comme s'il pouvait se confondre à ce point avec les paysages, mais il était ami des arbres, non pas de l'eau. L'air viendrait à manquer, et l'intrus ne partirait pas car il était en droit de pénétrer sur ces terres. Elles n'étaient à personne, reculées, parfait pour s'isoler. Pas si parfaite que cela, de toute évidence.
La première bulle, les poumons pleins d'oxygène, et l'inéluctable se pressant à grands pas contre sa poitrine, contre ses bras croisés. Il n'y avait rien à entendre ni à voir. Ne pouvait-il que sentir trembler la rive à proximité, sous les semelles de l'inquisiteur contraint au silence dans un lieu qui ne faisait que l'aspirer. La mâchoire à peine desserrée, les paumes devant les yeux. Il était à genoux sur les galets, attendait. Attendait comme s'il pouvait attendre une éternité avec une telle pression contre les tempes. Il se savait habile une fois seul mais pas ainsi, et l'eau était encore assez fraîche pour ne pas le rassurer plus que de raison. Il fallait bien remonter à la surface, de toutes façons.
De toutes façons.

Le haut du visage sorti. À peine. Une inspiration qu'il voulut intense, qu'il sut exagérée, et qu'il prit le temps de calibrer. L'intrus, de ce qu'il voyait un jeune homme, ne regardait pas dans sa direction et ils étaient trop loin l'un de l'autre pour se remarquer sans s'attendre à la présence de quelqu'un. Il était chasseur, comme à son habitude, ne clignait plus des yeux. Remarqua suffisamment sa vulnérabilité, se sentit presque défaillir en pensant à un moyen de remédier à ce problème diablement pressant. Que les esprits lui viennent en aide. Il ne la sollicitait pas si souvent que cela, mais là, il ne voyait comment faire autrement. Il n'arriverait jamais à parler dans ces conditions, jamais, et il replongea une seconde.
Bon. Prendre son courage à deux mains, cela semblait faisable, il n'en était pas à son coup d'essai. Ne pas paniquer, c'était essentiel. Ne pas l'effrayer, surtout pas. Eviter, à tous prix, de le faire fuir. Cela serait même plus pratique, d'ailleurs. Un temps. Non, non, décidément il se refusait à faire peur à qui que ce soit. Non. Il se débrouillerait pour s'esquiver pas tant poliment qu'avec civilité. La civilité, voilà. Voilà un atout de poids, pour lequel il aurait sacrifié beaucoup de choses. Courage. Courage, courage. Aucune bulle, et il remonta calmement.

Sortit les lèvres de l'eau, à peine, prit soin de ne rien découvrir d'autre en se rapprochant, doucement, de la berge. S'il se levait, s'il avait le malheur de vouloir se lever, ce serait une vue autrement plus naturelle qu'il lui offrirait et cela ne plairait ni à l'un, ni à l'autre. Ce qu'il pouvait avoir honte. C'est une toux discrète qui l'interpella. Du moins, qu'il pria suffisante pour l'interpeller. Et un murmure bredouillé, à peine audible, qui lui arracha la langue.

- ... Excusez-m-m-moi... Vous... Mes affaires sont à c-côté de vous...

Quelle idée que de se baigner ainsi.

Quand l'Art s'en Mêle...

« Si toute vie va inevitablement vers sa fin, nous devons durant la notre, la colorier avec nos couleurs d'amour et d'espoir. » ► MARC CHAGALL

J'avais marché assez longtemps, lentement pour ne pas me fatiguer. J'étais passé à la lisière de la forêt, juste du Lac qui longeait celle-ci. Je prenais une grande bouffée d'air frais. Ça changer bien de mon Paris embouteillé, pollué et sale. Je n'avais encore jamais parcouru de paysages aussi fantastiques, pour être je n'étais même jamais sorti du territoire Français à l'exception d'un voyage linguistique de 2 mois en Angleterre. Heureusement d'ailleurs, sinon je n'aurais pas été capable de parler anglais ici. L'Angleterre n'avait rien à voir avec les États-Unis, ici il faisait bien plus chaud. Ma pochette sous le bras et une sacoche pendue à l'épaule, je parcoure la verdure avec beaucoup d'entrain. Je profitais même du temps que j'avais devant moi pour faire des photographies, on sait jamais je peux toujours en avoir besoin pour un projet artistique ou les garder juste par plaisir. Depuis bien des siècles, la nature était source d'inspiration pour tout homme sensible à ce genre de chose. En continuant mon chemin je finis par tomber sur une petite plage déserte. Aucuns panneaux ne semblaient indiquer qu'elle était privée alors c'était parfait.

Je m'engage sur les galets, dépose mes affaires et me déchausse. Je regarde l'horizon d'un air serein, heureux d'avoir trouvé un havre de paix loin de toutes agitations urbaines. Une brise agréable vient caresser mon visage, je rabats mes cheveux en arrière et en profite pleinement avant de m'asseoir. Je prépare un peu les galets pour y loger et finis par enfin m'installer convenablement. Il y avait une vue imprenable sur la bais du Lac, je venais de trouver le paysage parfait pour le crayonner sur papier. Je l'enverrai peut-être à Monsieur Langford, le professeur sans qui je ne serais pas là aujourd'hui. Je sors la trousse de mon sac, attrape ma pochette, la pose sur mes genoux et commence à crayonner un schéma du paysage. La ligne d'horizon, les perspectives, les notations diverses... Tout y passait. J'agitais frénétiquement mon crayon sur le papier, faisant abstraction des bruits alentours. Quand soudain, une voix se fit entendre. Je relève subitement la tête, très surpris. Une grosse rature venait de traverser la longueur de ma feuille...

« ... Excusez-m-m-moi... Vous... Mes affaires sont à c-côté de vous...
- Noooooonnnnn !
Je regardais ma feuille avec écœurement, découragé. Puis soudain je réalise qu'un homme venait de m'adresser la parole, je relève la tête.
- Euh...
Et ce n'est qu'au moment de le voir que je me rends compte que cet homme est actuellement nu et qu'il me demande ses affaires... Affaire que je n'avais pas remarqué.
Oh ! Euh... Excusez-moi je... Je n'ai pas compris tout de suite ce que vous me demandiez...
Je me lève doucement, prends ses vêtements et les dépose près de lui mais à l'abri de l'eau.
Euh... Désolé, je ne m'entendais pas à ça, vous non plus je... Je suppose. Je vais me mettre plus loin, je ne voulais pas vous déranger... »
Je m'en retourne à mon dessin, constatant l'étendue des dégâts.

Thomas A. Boisdavid & Tyee H. L. Daendels

CODE BY AMIANTE

Arts.

On n'invente pas les personnages, ils existent dans l'inconscient, il faut les laisser sortir. ━ Henry Bauchau.

Et l'unique réflexe qu'il est eut, ce fut de s'immerger à nouveau dans l'eau lorsque le pauvre homme se mit à hurler. La témérité, ce n'était pas son fort.
Ainsi protégé, il attendit que l'orage passe, non sans une appréhension aussi grande que lui apparue contre son cœur comme une tumeur maligne. Non, non non non, il fallait qu'il se calme, et surtout qu'il ne le laisse pas avoir peur ainsi. Le visage sortit de son boudoir aussi vite qu'il y était retourné, et avant même qu'il puisse bredouiller quoi que ce soit il fut question de... de la sienne, visiblement. Qui n'en était pas une. Par contre, il était rouge de honte et de gêne, sans aucun problème. L'autre le regarda et ses yeux ne purent soutenir tant d'attention, alors il les détourna. Attendit patiemment que ses vêtements lui reviennent par l'opération de sa bonté, qu'il s'en aille comme il était venu, soudainement. Rapidement. Et qu'il le laisse en paix.
Égoïstement.

C'était malvenu, et Tyee s'en voulut immédiatement. Il n'avait pas à exiger de lui quoi que ce soit, certainement pas après lui avoir fait si peur, l'avoir déçu. Parce qu'il aurait reconnu ce faciès entre mille, et les mains qui lui avaient rendu ses biens étaient celles d'un crayonneur. Entre autres, sans doute, mais de crayonneur, c'était bien sûr. Un temps, celui qu'il s'écarte, les yeux sur son travail, celui qui lui permit de comprendre son acte terroriste. Il aurait voulu s'excuser, mais cela aurait été d'une malhonnêteté qu'il n'aurait lui-même pas toléré et il garda silence. Ne sut comment aller chercher ses affaires sans qu'on puisse le voir, car même les arbres et les crayonneurs ont tendance à remarquer les géants nus aux joues écarlates. Désagréable sensation de la connaître, ses lèvres pincées, et il se souvint de son art du silence. Seuls les remous le trahissaient, et ils n'étaient pas si virulents. Doucement il s'enquit de l'air, de son présent et fuit derrière un tronc assez large pour le couvrir, au moins à moitié. Il ne s'était jamais autant dépêché de s'habiller depuis qu'il n'était plus dans les bras de l'hiver.

Une hésitation quant à s'approcher davantage, mais il tenait à vérifier quelque chose de vital, sans aucun doute. Il était calme, lui aussi. Discret et silencieux, tout à son art. Alors il prit la peine de sortir de sa cachette, tant qu'il ne le regardait pas. Avança à pas de loup jusque dans son dos. Attendit un instant, chuchota à peine.

- Vous... Êtes grand.

Pas autant que moi. Mais quand même.

« Bonjour,
Nous avons constaté que le sujet suivant n'a pas reçu de réponse depuis un moment, nous vous laissons jusqu'au 20 mai sinon, le sujet sera verrouillé.
Merci de votre compréhension. »