Le combiné fut raccroché sans chaleur ou politesse. Comme un téléphone objet sans valeur se devait d'être conclu. Clac! Aucun au-revoir, certainement pas de remerciement. Simplement clac.

Mathias recevait rarement de coups de fil - mais il en aurait mangé des raclées sans problème. Pourtant, eux, devaient connaître son numéro et dialogue râpeux par cœur: «Hey yo! [...] Oui c'est moi... [...] Hum... [...] M'kay... [...] Hu-hum... [...]» Clac! Il faisait maintenant contemplation au vide qui lui lançait en crâne des tonnes de gris songes. Un rendez-vous fatidique et étrangleur pour un lendemain qui sauterait à la hâte une nuit insomniaque et tourmentée. Irait-il? Mais oui! Bien sûre! Il se mentait, se motivait ou se faisait sarcasme? Vous en déciderez par vous-même. Mais le fait est que jamais au cours des vingt-quatre heures suivantes qui couleraient en ses tempes il ne pointerait le bout de sa truffe au rendez-vous. Comme il avait fait absence à celui de la semaine précédente. Celui du mois passé aussi. Et l'autre d'avant qui faisait toujours écho terrible dans ses mémoires. Et d'ailleurs, pour couler davantage dans le béton cette certitude innée d'un manque de prise en charge désespéré et désespérant, il fit cogner ses clefs d'appartement dans sa main et quitta son désordre pour s'engloutir dans le fouillis de la ville. Sans prendre le soin de se changer, de barrer la porte derrière lui ou d'éteindre la télévision. Mathias alla tout simplement se balancer et foutre ses méandres de pensées sur les rues de nuit. Il bouillait contre la vie et ses carences, ses misères et ses faïences à briser. L'air était frais, la soirée contait une lune pleine radieuse derrière son smog et il y avait, sur les trottoirs et les caniveaux, cet arôme sucré qui amène une sérénité et un calme noctambule au travers des klaxons des taxis et des jacasseurs piétons. Autrement, le jeune homme aurait dansé cette scène. Si il n'avait pas reçut cet appel baratin de bonne foi et de mauvaises notes. Ça laissait un coup amer en gueule.

Il déambulait dans Raven Street. Cela prit des centaines de pas. Il arriva au centre-ville, l'affronta et le traversa. Trottait au hasard en cap vers un lieu d'oublie. Pendant une bonne heure. N'importe quoi qui ait de l'alcool à noyade. Il se contenait pour ne pas hurler contre son existence qui se faisait chienne d'encre tachée, gardait tête basse et sanglots en gorge. Sa marche le faisait quitter Lakeview et ses intérêts. Peu importe. Et il fit brusquerie arrêt devant une taverne sombre qui attira - allez savoir pourquoi - son attention. Il y entra sans trop réfléchir et se dirigea vers le bar. Jamais il n'était entré dans cet endroit de chair de poule et de dédain crade; le genre d'endroits qu'il pourrait pourtant apprécier. Mais cette soirée n'était pas à la bonne heure. Pas pour ses aigreurs. C'était un lieu dont la musique titillait plus qu'apportait la danse de ses notes basses. Il l'ignora à travers l'éclairage tamisé, la boucane de cigarettes dans l'air, les coupes et verres de bière de toutes sortes et fonça vers le barmaid. Sa barbe hirsute et jeune ainsi que sa tignasse ravagée et son habit vieillot à cravate au chic précaire s'harmonisait trop bien avec la taverne de Mckinley. Cette pensée grotesque et hasardée l'aurait fait rire dans d'autres circonstances. D'autres... En fait, il s'en foutait bien en ces secondes coulantes. Il s'en foutait tout autant du fait qu'il n'ait pas un sous en poche lorsqu'il commanda un shooter de vodka qu'il avala d'une traite pour faire passer la boule en péristaltisme et broyer le nœud en ses tripes. Il avala la boisson et grimaça en faisant cogner le verre nain sur le comptoir. Une chaleur artificielle gronda sa poitrine, mais il trouvait toujours son âme aussi glacée. Sur le point de se casser.

Puis, il soupira. S'affala sur un siège. L'angoisse le tenaillait et l'agrippait à l'étrangler, à le faire trembler. Si bien qu'il ne remarqua même pas la personne assise sur un tabouret à sa droite. Une personne qui le regardait.  



© Never-Utopia

Le boulot avait repris pour la jeune lieutenante de police, mais malgré l’envie de travailler revenue, la brunette ne se sentait pas plus heureuse qu’elle ne l’aurait été naturellement. Depuis toujours, la brune mangeait son boulot, elle adorait ce qu’elle faisait et jamais elle n’oserait penser à sa vie personnelle avant le travail. Elle fonçait la tête première et tant pis les distractions. Évidemment, les soirées, l’alcool, la danse restait son petit plus à la fin de la semaine ou des longues journées. Jamais JJ ne refusait une soirée à s’éclater. Elle était une vrai diva des partys et tout le monde reconnaissait la jeune Hansley pour ses talents de fêtardes. Malheureusement, Jane n’avait plus le même titre qu’autrefois depuis la mort prématurée de sa fiancée le jour de la cérémonie de son mariage. Suite à ce décès, Jane avait complètement laissé tomber ce qu’elle pensait, préférant se saouler, s’éclater et jouer dans la mélancolie. Elle n’avait plus rien pour s’accrocher. Plusieurs de ses amis étaient là pour l’aider, tout comme son frère, mais était-ce assez pour s’en sortir intact ? Jane refusait de le croire. Vivre sans Leslee, c’était pire que vivre sans oxygène. Enfin, la belle avait désormais quelque chose à penser mise à part la mort de la rouquine. Elle pouvait travailler et cela l’aidait beaucoup. Sa première semaine de boulot s’était achevée et Hansley décida de faire ce qu’elle faisait de mieux, les soirées. JJ s’empressa d’enfiler un jeans serrer et un t-shirt léger qui lui permettrait de bien s’aérer. Une fois au Maclaren, elle s’installa sur la piste de danse et dansa un peu, s’enfila quelques cocktails entre temps. C’est lorsqu’elle termina sa petite danse qu’elle installa au comptoir où un homme s’y trouvait. Elle le regarda un moment, il ne semblait pas être des plus sérieux en venant dans un endroit comme celu-ci. Enfin, Jane commanda une bière et s’empressa s’hydrater. Jane comprit que l’homme n’était pas dans son assiette ou bien il était bizarre. JJ arqua un sourcil et ajouta. « Hum.. ça va pas mec ? Parce qu’avec la face que tu me fais, on dirait qu’on t’a enfoncé un tronc d’arbre dans l’cul… il faudrait que tu replaces un peu ton visage, parce que tu fais pitié à voir ! Conseil d’amie ! » Dit-elle en riant, levant du coup sa bière à son honneur.

 

Mathias serra des molaires brutes, sa grimace s'estompa de ses traits en douceur. Et il leva la menotte pour attirer l'attention du barman. Sa tête tournait, déjà, évidemment pas à cause de cette modérée première dose, mais parce qu'il lui semblait que les secondes coulaient trop vite dans ces heures rêches qui n'avançaient qu'un noir futur... Il y avait de ces mornes soirées, parfois, où l'évasion et l'alcool devenaient de vieux et piteux amis...

Un clave sonore de paroles lui étant destinées lui piqua l'ouïe. Il tourna menton vers une heureuse maigrichonne au teint beige et au regard clair qui remarquait ses tourments d'un langage familier et plaisant. Le livreur fit air curieux, regarda par dessus son épaule; elle semblait solitaire, simplement venue s'enfiler quelques bières, peut-être danser et trouver compagnie comme la sienne. Matt' devait paraître hors de ses habitudes ainsi à son linge qu'on aurait pu croire à des siècles décadents de ceux de la jeune femme. Il lui fit sourire sans joie pour ne pas faire impolitesse, parce que ses traits étaient plutôt aux sanglots. Pourtant, ses yeux plissés sur des joues rehaussées témoignaient bonne foi d'une attitude, en bon terme, chaleureuse. Il pointa son verre creux au serveur qui le lui rempli et son rauque ténor tonna enfin:

Arfff... Si seulement c'était ça... Y'aurait moyen que je m'en sorte.

Il cala l'alcool rude, son visage de dégoût et de brûlure se crispa. Puis il quémanda d'un geste pressé au barman qu'il lui laisse la bouteille avant qu'il ne s'enfuit. Et ses coudes s'écrasèrent sur le comptoir avant qu'il ne passe des mains paresseuses sur sa face et dans ses boucles. Il fit moue à fixer le bois de son accoudoir quelques secondes. Il n'allait tout de même pas cracher sur une sympathique qui levait un verre à sa bonne humeur espérée! Quel pitoyable pessimiste il serait... Surtout pas quand les recommandations du médecin sur papier grondaient sa tête, sinistres. Il se redressa en vitesse et rempli son shooter pour le dresser à son tour. Il gagna une mine passablement heureuse.

T'as raison. Vaut mieux que j'oublie les papiers merdiques du médecin plutôt que d'avoir l'air d'un mec qui chie un cactus.

Pourquoi parler de docteur? Pour évacuer, sans doute. De toute façon, c'était une inconnue qui ne savait tranche de sa vie et qui n'en avait rien à cirer probablement. Il engloutit sa troisième portion pour avaler toutes ses pensées et les caler au fond de lui. Cette gorgée passa moins bien et un toussotement sec se muta en toux de fumeur de longue date, comme à chaque fois que son péristaltisme lui piquait. Il sortit d'ailleurs son briquet et son paquet de cigarettes pour contredire ses poumons qui demandaient de l'air. Il fourra le tabac enroulée dans ses lèvres et l'alluma, anodin. En recrachant la fumée dense:

Au fait moi c'est Matt'. C'est quoi ton petit nom?



© Never-Utopia

Jane Julia Hansley n’avait pas remise un pied à l’hôpital depuis la mort de Leslee – la petite fusillade au sein de cet établissement au cours de la semaine prochaine risque de changer la donne – mais en ce moment, la brunette n’avait rien à faire là-bas. Depuis l’annonce de la maladie de Leslee sa compagne, elle craignait ses lieux comme la peste. Elle n’arrivait à y faire face et affronter la mort de sa femme. Leslee avait fait une rechute et y était morte la journée même du mariage. Seule les mots « je le veux » furent prononcer que la rouquine chuta sur le sol de la salle de réception qu’ils avaient loué pour l’occasion. La policière savait qu’elle devait affronter toute cette histoire et tenter d’avancer. Leslee ne faisait plus partie de ce monde, mais elle avait la chance de toujours respirer, pourquoi se morfondre ? Elle souffrait, c’était normal, mais Hansley ne pouvait se contenir de se sentir si mal et démunie de toute âme.

Enfin, en discutant avec l’homme qu’elle ne connaissait pas, la jeune brunette se questionna sur l’arrière-pensée de chacune de ses paroles. Cet intriguant spécimen semblait sur le bord de la dépression. Elle en connaissait beaucoup sur le sujet d’ailleurs. JJ arqua un sourcil d’inquiétude et continua la conversation. « Hum… tu me fais quoi là ? » Dit-elle assez sèchement. Elle se demandait bien si l’individu ne se foutait pas de sa gueule, ayant lu son histoire dans les journaux du coin. Lorsqu’il prononça le mot médecin, la visage de la lieutenante changea aussitôt, elle se crispa d’un geste rapide et serra les dents inévitablement. « Putain de merde, ne me dit pas que tu vas crever, parce que j’en ai marre que ces enfoirés de malades me suivent ! » Jane ne laissa même pas l’homme conclure qu’elle se referma. Elle connaissait son nom, mais JJ n’était pas prête à continuer la conversation. Elle fixa l’homme d’un air mauvais, comme si elle souhaitait lui sauter au cou. Hansley souffrait et ça se voyait. On la dévisageait à travers le comptoir du bar. Jane frappa d’un coup sur le comptoir. « On regarde ailleurs bande d’enfoirés avant que je vous butte ! »

 

La jeune femme devint de panique et de furie. Un caractère qui s'agençait bien avec le peu que le livreur connaissait d'elle, mais qui le surprit tout de même et et lui fit hausser les sourcils dans un effroi étonné et ébranlé de sa drastique réaction qu'il fixait muet.

Il fit du comptoir une œuvre d'art à contempler sans pause, de son bois à texture banale et ses nœud soit joli ou blasé. En fait, baisser la tête à entendre la jeune femme cracher sur la vie et ce qu'elle lui apportait eut été son seul recours au frisson du moment. Frisson de honte, de tristesse de haine, hérissé d'injure aux paroles sur le ton piquant de la menace. De l'agressivité à faire frémir l'agneau - c'est ce qu'il était, à le dissimuler difficilement sous un masque et l'orgueil. Cette buveuse dont il ne connaissait toujours pas le nom avait percé son flanc de la vérité cru et du malheur qu'elle apportait. Son visage grimaça le tracas et les sanglots retenus. Autant il ne pouvait rien lui dire, autant elle ne voulait rien entendre, autant il ne pouvait faire planer de silence dans le chaos auditif du bar qu'il lui donnerait raison de la sorte. Et bien que l'étrangère étai bien tout sauf menteuse de pif, il ne pouvait lui donner raison. C'est tout cela qu'il enterra d'une traite brûlante dans son gosier avec l'alcool pimentée de son pourcentage audacieux. Alors qu'il se versait ce verre, l'autre cogna sur la table et intimida les voyeurs non loin. 

Mathias sursauta. Il était fragile et palpitant, tremblant comme la feuille à présent. Qui se casserait facilement. Et bien qu'il tentait vainement dans ces minutes de le cacher en se donnant l'air échoué du costaud qu'il était, il n'y avait point de plus mauvais acteur. Le jeune homme en vacilla et reprit sa compagnie de sa raque voix: 

Non non... Je vais pas... Crever, merde! comme ses mots portaient la fougue, il avait hésité tout de même. Parce qu'il était nul en mensonges et en était bien conscient. Il balaya tout cela d'une bouffée de cigarette. 

Enfin il leva le regard et vit cette détresse chez la jeune femme. Comprit tout. Crut comprendre, du moins. Osa imaginer qu'elle avait connu un proche malade. Peut-être qui avait rendu l'âme sur un lit d'hôpital... Et regretta sa question. C'est se qui peint son visage, comme le mal aise.

Écoute... Laisse faire cette question débile. Allez, je t'offre un verre!

Il mendia le pardon de sa maladresse avec un charmant sourire quelque peu timide. Pour détendre l'atmosphère surtout qu'il n'avait pas voulut tornade, loin de là.



© Never-Utopia

Comment pouvait-on traiter avec la mort lorsqu’un être proche venait d’en périr ? Jane aimerait bien découvrir un roman qui trainait du sujet en question. Depuis la tragique perte de son âme sœur, la brune s’étouffait dans la confusion, elle ne perçait plus réellement la vie du bon côté et cette partie d’elle-même semblait l’affecter avec lourdeur. Wellington prenait tranquillement le long chemin de la guérison, mais jamais elle n’oserait oublier Leslee. JJ s’impatientait et s’irritait très rapidement lorsqu’il était question de maladie ces derniers temps. Elle ne souhaitait pas voir quelqu’un d’autre qu’elle connaissait subir une mort aussi pénible que la cancer du cerveau de sa femme, mais elle n’arrêtait pas de s’imaginer – et se questionner – sur les raisons qui avaient poussés ce satané barbus dans le ciel à avoir choisis Leslee si gentille – mère d’une gamine d’à peine 4 ans – au lieu qu’un putain d’enfoiré de violeur qu’elle appréhendait régulièrement dans son boulot. La solitude pouvait peser sur les épaules de la lieutenante, mais lorsqu’elle se trouvait face à d’autres humains, elle semblait avoir de la difficulté à s’y faire. Elle passait son temps à repousser ceux qu’elle côtoyait et malheureusement, ce pauvre malade ne verrait pas son nom rayé de la liste. Wellington baissa les yeux vers le comptoir, la bouche ouverte – le souffle palpable – ne sachant pas quoi faire pour se reprendre en main. Elle décida d’utiliser la version qu’elle connaissait le mieux. Boire. « Il te faudra cracher le cash mon vieux, parce que JJ a besoin bien plus qu’un putain de verre pour oublier ses shiotes . Alors, ouvre tes grandes oreilles de gorille , soit tu joues la case du gentil inconnu qui paie la tournée à cette grande salope ou bien tu fous le camp avec ton foutu cancer et tu n’me recroises plus… FUCK ! » Dit-elle en concluant sa phrase, bien que ce dernier sacre n’avait pas réellement un lien avec Matthias.

Et malgré tout ce que Matthias donna en force à la jeune femme, politesse fracturée et boisson à l'offrande, sa rage ne tonna pas à s'effondrer. Un personnalité piquante, robuste, de pulsions, pensa-t-il. Tout le contraire de lui, il songea par dessus. Elle semblait d'une agressivité naturelle et bien charmant, il fallait l'admettre, dans ses paroles et ses faciès. Ce genre de personnes que tu tiens en ton cœur ou en regret de ne pas compter dans tes amis...

Et de surprise, son ventre chamboulé, lorsqu'elle lui rétorqua le verre sagement offert. Barbarie galante, et sauvage tournant de drastique enflure. Le livreur de pizza ne se rendit même point compte qu'il s'était distancé de la femme à l'éboulement des paroles pointues et trop franches pour être prises à la légère. Oui, car de spontanéité pure et de vérité crue elles poignardaient le garçon. Monde de perfection et d'hypocrisie, portrait en pleine figure en contraste bourrasque. Autant par le juron que par la maladie: cancer était le mot qui l'avait fait dérapé.

Il écarquilla le regard et grimaça sur un silence mal aisé à la fixer sans trop savoir réagir. Il sentait qu'elle allait exploser d'un instant à l'autre. De larmes, de fureur, de tout ça et bien plus... Peu importe, il appréhendait ce moment avec trop de crainte. Il tremblait intérieurement. Comme si toute une hargne et une douleur s'était fait écrasé par l'étonnement et la crainte. Il replaça nerveusement ses lunettes du revers de la main et fronçât les sourcils sans trop savoir où les positionner sur sa figure. Peu importe, il était carrément giflé à la figure; son air outré en paraissant probablement sinon pire.

Oh merde! Attends une seconde toi! il clama trop bruyamment pour ne pas être remarqué par les «enfoirés» non loin, grands gestes des bras en signe de total désaccord et négation. Jamais... Putain... Jamais j'ai dit que j'avais le cancer!

Il courba le dos et se passa une main dans les cheveux. Comment avait-elle put deviner ainsi? Fait qu'il aurait toujours voulut souhaité ignoré de tous. Ses traits se tordirent à nouveau et il serra les dents.

Merde, murmure d'entre celles-ci qui s'en faisait mal aux gencives. Et comme pour changer de sujet, il revint drastiquement au point d'avant. Désolé Miss «JJ», mais je pourrai pas te payer grand chose de toute façon... J'ai pas un sous sur moi...

Il termina de sa rauque voix avant d'ingurgiter un autre verre d'alcool comme pour contredire sa pauvreté face à toutes ces consommations qu'il ingurgitait. La tête lui tournait sérieusement à présent. Et pour y aider, ironiquement, il termina d'une traite sa clope. Puis s'en ralluma une autre.

© Never-Utopia

S’il fallait croire l’habituée des bars, c’était bien que la vérité ne pouvait sortir que de la bouche de JJ. Ainsi, avant même de répliquer aux commentaires de cet homme qui semblait se cacher de quelqu’un ou quelque chose dans ce miteux bar de Lakeview. La brunette se questionnait réellement et attentivement sur les petits détails et tics du jeune homme qu’elle avait cerné à des kilomètres à la ronde. Jane avait vécu le cancer de sa petite-amie, étape par étape, et désormais, elle en reconnaissait bien un. Ce Matthias, il était malade et une dizaine de signe sautait au visage de la lieutenante en un simple regard. Les sourcils froncés, la brunette attrapa la clope que l’inconnu venait de s’allumer. Elle travaillait également pour la police, donc elle était parfaite pour intégrer la loi dans cette boîte. Wellington fumait elle-même, mais la loi était importante. Il était interdit de fumer dans un endroit public. Elle écrasa le mégot qu’elle jeta dans le verre du cancereux en lui crachant ses sermons au visage. « Putain de merde, tu réfléchis comme un dingo ou quoi, premièrement, fumer, c’est interdit dans les lieux publiques, capitch ? Ensuite, tu t’fous de moi, à tenter de cacher ta maladie de mon cul ? Tu as l’air d’un con à tenter à cacher ce que tu es vraiment…. Et à place de guérir, tu fous ta vie en l’air en fumant de cette merde ! » Ouais, Jane pourrait être mal placer pour citer la cigarette parmi les complications en lien avec la santé, mais en ce moment, elle ne se tapait pas un cancer, donc elle pouvait se le permettre. Le jour où elle serait malade – à moins que le passé la rattrape et l’amène à souhaiter en crever – Jane ferait le nécessaire pour arrêter tout ça. « Et laisse tomber pour les verres…. Je vois bien le calvaire financier que tu dois vivre avec ses enfoirés de traitement à la con…. » Elle soupira, se rappelant tout le processus de cancer qu’elle avait traversé avec Leslee à ses côtés.

Inutile de dire que Matthias ne s'attendait vraiment pas à ce que de fins doigts, rapides et bêtes, viennent retirer en vitesse le tabac qu'il avait du bout des lèvres. tout bonnement, comme ça, à répéter l'inhalation mille fois exécuter avec peu importe ce qu'il pouvait bien fumer. Et se faire briser cette petite habitude qui était devenue depuis longtemps une dépendance le surpris, l'étonna plus qu'il ne l'enragea. Air ahurit, choqué et outré, c'est le moins qu'on puisse dire.

Hey! Merde tu fais quoi là?

Il eut une réponse assez tôt. Toujours de ce ton bien cru, franc et agressif de cette JJ qui n'avait visiblement rien à cacher ou se reprocher lorsqu'elle parlait de sa vive et portante voix. Sa première phrase le percuta de plein fouet. «Tu réfléchis comme un dingo ou quoi» étais un élan spontané qu'on lui avait craché tant de fois dans sa vie. Le bâti devant l'allumette de brin de femme se fit petit et baissa le menton comme un enfant qu'on punit. Piteux état qui aurait put donné l'impression à un regard extérieur que le jeune homme s’apprêtait à pleurer, ce qui n'était pourtant pas le cas; il savait très bien encaisser sans se fendre désormais. Et puis il avait beaucoup trop d'abasourdissement en gorge pour réagir autrement que de se pétrifier un court moment. Qu'avait-elle a lui retirer la cigarette de la gueule ainsi? Tout le monde s'en foutait, non? Elle était sa mère ou quoi?

Encore pire, elle ramena sur table le sujet de la maladie. Le fit menteur, bien clairement et nettement, à s'exclamer qu'elle savait parfaitement de quoi elle parlait. Sur ce, Matt' releva le menton et écarquilla les yeux à tenir bien fermement sa respiration. Elle le perçait, à nu, à jour. Trop facilement. Comment s'y prenait-elle?! Lui qui tentait de cacher sa maladie - bien naïvement, à avoir «l'air d'un con» - qui ne faisait rien pour améliorer son sort, qui fumait comme un dépravé, qui n'avait pas un rond... Alors il resta bouche-bée, un long moment. Avant de fondre dans un soupir dépourvut.

C'était la première fois que quelque en disait tant sur lui. En savait tant sur lui, mis à part Andy sa sœur. Jamais il n'avait dévoilé cette partie de sa vie à quiconque, et maintenant il ne savait plus comment réagir. Lui qui n'avait jamais voulut que personne ne sache l'état de sa maladie... Il s'approcha de peu de la JJ, regard craintif par dessus son épaule, et baissa le ton à lui demander d'un air criard de sa rauque voix:

Merde! Pourquoi... Comment... Comment tu peux dire tout... Toutes ces choses là, merde! Il ne le cacherait plus: ce serait inutile et stupide à ce point. On dirait que tu as toi-même...

Il arrêta sa phrase qui bloqua dans ses joues. Et il soupira, à nouveau, entremêlé d'un rire jaune.

Bah! Et t'inquiète, je peux te payer ce que tu veux; je débourse pas un foutu sous dans ces traitements débiles.

Mais en fait, il n'y avait rien de joyeux dans ces mots. Il rebut un coup d'alcool, mais cette fois il crut qu'il allait vomir tant elle passa mal. Il angoissait, sérieusement. Que quelqu'un sache tout cela.

© Never-Utopia

Nouveau message

Expéditeur: Unknown
Destinataire: Jane J. Wellington
Message reçu, aujourd'hui.

L'alcoolique et le drogué, un beau tableau. Je suis sûr que Leslee préfère encore être dans sa tombe qu'avec des déchets pareils... -W

Nouveau message

Expéditeur: Unknown
Destinataire: Matthias P. Cleveland
Message reçu, aujourd'hui.

Ne me dis pas que tu crois qu'elle a vécu un truc pareil que toi ?! Non, elle se serait plutôt le genre à te regarder te flinguer sans rien faire. Tu me diras, ça fera toujours un idiot de moins dans le coin ... -W

Jane en avait marre de discuter avec cet homme. Elle ne le connaissait pas et déjà, elle rageait face à tout ce qu’il pouvait faire remonter à la surface. En ce moment, JJ en avait plus qu’assez de ce sujet et encore plus de côtoyer un idiot dans son genre. Bien qu’elle allait beaucoup mieux depuis un temps – contrairement aux mois suivants la mort de sa compagne de vie – le lieutenant Wellington vivait à l’instant même un moment d’égarement ou plutôt une rechute si on pouvait appeler cela de cette manière. La vibration de la basse grondait dans sa tête et jusqu’à présent, jamais le rythme effréné d’un succès de pop l’avait repoussé comme ça. Habituellement, vive et dynamique, la fêtarde se voyait balancer tout son corps dans tous les sens, mais ce soir, elle déprimait et l’unique envie, la chose qui l’aiderait, c’était d’être seule. Le dernier commentaire du malade laissa Jane complètement exaspérée. Elle relâcha un grand soupir et répliqua sans plus attendre, mais surtout sur un ton sec et arrogant. « Tu penses vraiment que si une chiasse dans ce genre-là m’aurait touché directement, j’me comporterais de la sorte… fuck you ! Essaie de profiter de ta putain de vie… j’me barre ! » Dit-elle en attrapant sa veste. Au même moment, son portable vibra. JJ l’attrapa et aperçu un autre message de ce célèbre W. « Et bien, elle peut dormir en paix maintenant » Cracha-t-elle entre ses dents avant de pousser brusquement la porte de la boîte de nuit en direction de son lit.

Il n'y avait pas de quoi faire tourner la cervelle au beurre, mais au tournis, bien certainement. Il toussa et décida la saturation de cet alcool dont il avait oublié le nom et le coût - détails dérisoires il lui paraissait maintenant. Bien penaud de ne plus avoir sa cigarette en gueule, c'est avec mépris et tristesse qu'il n'en tira pas une seconde de son veston - de toute façon celle qu'on appelait JJ lui confisquerait encore si ça se trouvait. Parce qu'elle avait le don de se prendre pour une flic ou il-ne-savait quoi, elle... Réaction à son je-m'en-foutisme flagrant de sa maladie de la part de la jeune femme qui était on ne peut plus compréhensible mais qui laissa tout de même un fond de gorgée amer à Matthias qui faisait semblant d'être alcoolique cette soirée-là. Elle lui cracha du venin, l'engueula presque, on pourrait croire de loin. S'il pensait qu'elle réagirait de la sorte à avoir été atteinte? Il n'en avait pas la moindre idée. Le livreur de pizzas en était à se demandé si on pouvait vraiment y survivre ou s'il s'agissait d'une histoire d'homme en blanc pour les enfants qui aiment croire. Une belle petite insulte, une deuxième, puis elle déguerpit aussi gracieusement qu'elle s'était posée à ses côtés. Ou plutôt, elle fit mine de partir.

Il feignit d'ignorer et il se renfrogna sur une coquille de porcelaine. Accoter sur le bar. Il se sentait bien lourd, et plus qu'étourdit. Sa compagnie qui dégringolait regarda son cellulaire, et ce n'est que l'association de songes qui lui fit prendre conscience que ce qui vibrait contre son torse était le sien qui l’interpellait pour un nouveau message text. Il regarda - mit un temps interminable à l'extirper de sa poche. L'autre fit un commentaire de somnambule qu'il ne saisit pas avant de comprendre, nigaud tardif, qu'une de ses connaissances avait été atteinte. Conclusion bien logique, appuyé et sponsorisé par le charmant -W qui lui faisait amabilité d'un coucou. Le second qu'il eut de sa part. Celui qui savait les secrets et les ignobles. Qui piquait, surtout. Quitta la maigrichonne, se redressa en tout intérêt, sourcils froncis, le costaud qui porta le regard sur le message. Lecture brève pour le mettre en doute: après tout, peut-être en était-il rendu à réduire sa solitude et sa souffrance maintenant?

Il ne prit peine ou gentillesse de laisser soit une paie ou un pourboire et tituba jusqu'à la sortie du bar. Il y avait chaos dans son ouïe et trouble à sa prunelle. Dehors, l'air frais le saisit. Sa tête lui tournait, sans l'ombre d'un doute il avait but plus qu'on lui permettrait en sarrau. Son air de mort-marchant le conduisit on ne sait trop où. Et c'est sur une poubelle de ruelle qui alla faire épave de quelques larmes. Pourquoi avait-il répondu au premier coup de téléphone, aussi?

© Never-Utopia

Abandonné et verrouillé