Une lueur de soleil traversa la baie vitrée du petit café de Lakeview tandis que Jane Hansley patientait avant l’arrivée d’une amie – Heather – que représentait cette lueur face à ce qu’elle venait de vivre cette année. La perte de son grand amour, la femme la plus importante à ses yeux, celle qui faisait battre et vibrer son cœur entièrement. Leslee Madison resterait pour toujours son ange gardien. Elle savait parfaitement que de reprendre une vie normale serrait compliquée, surtout de retrouver l’envie d’aimer, mais peu importe ce que le destin réservait à Jane, elle savait parfaitement que Leslee conserverait la place d’or dans son cœur et personne au monde ne pourrait lui retirer. La douce rouquine fut l’amour de sa vie et se vide en elle lui écrasait le cœur depuis le ce 12 mars dernier, le jour de son mariage. Comment cette maladie avait réussis à prendre le dessus sur sa tendre aimée le plus beau jour de sa vie. La chute de la rousse devant l’hôtel l’avait totalement anéantie et aujourd’hui, JJ devait se recréer. Suite à cette histoire, la belle s’était liée d’amitié avec Heather, une femme qu’elle ne connaissait que de vue, mais qui était une bonne copine de sa femme. Le douloureux moment passé depuis sa mort fut un peu plus envisageable lorsqu’elle recevait du soutien de ses proches. En ce moment, elle avait besoin d’un peu de compagnie et c’est avec plaisir qu’elle accepta l’offre de manger au café en compagnie de Heather. Elle roula à bord de sa camionnette noire et prit place à un banc en attendant l’arrivée de sa nouvelle amie, un regard dans le vide face à ce reflet banal sur le bord de la table.

Jane & Heather

Un reflet de lumières.

J'adorais Leslee. J'adorais ses manière douces et délicates. J'aimais son sens de l'humour et ses commentaires parfois acerbes sur les gens. J'aimais nos heures passées à bavarder de tout et de rien, à se plaindre de la pluie et du mauvais temps et surtout de ce que nous aurions pu faire. Et évidemment tout ça en s'enfilant plus d'un café. Parfois, Lili restait avec nous et je lui apportais un Cherche et Trouve, ou un autre livre pour la divertir. Parfois, c'était simplement un cahier à colorier. Je savais que Leslee était malade. Je savais que c'était un cancer et je l'avais vu passer de la santé à la maladie. Mais jusqu'à son union avec Jane, j'avais espéré que ce soit seulement un mauvais moment à passer. Je ne voyais pas pourquoi certaines personnes pouvaient s'en sortir et pas Leslee. Je ne voulais pas non plus, mais pourtant, elle est morte. Je trouvais cette idée horrible. Je crois même que je ne l'accepte pas encore. J'avais laissé passé quelques jours, puis j'avais contacté Jane, la femme de Leslee. Je ne pouvais tout simplement pas faire comme si Leslee n'avait été qu'une amie de passage. Je ne pouvais pas rejeter ce qui avait été important pour Leslee, parce que Leslee avait été important pour moi.

Je dois avouer que je m'étais un peu imposée à Jane. Je lui avais téléphoné et je lui avais dit que j'arrivais. Je me disais bien qu'elle n'aurait pas envie de grand chose, alors j'avais fait un peu de ménage, tranquillement, en essayant de ne pas trop déranger. Je m'étais assurée qu'elle mangeait un peu et j'avais fait quelques autres trucs qu'on n'aime pas faire quand on est malheureux. Pas que je sache exactement comment on se sent quand on est malheureux, ne l'ayant jamais vraiment été moi-même jusqu'à maintenant, mais j'avais un peu improvisé et Jane ne m'avait pas envoyé baladé, donc elle devait au minimum pas trouver que j'étais une emmerdeuse, au mieux apprécier.

Et maintenant, je stationnait mon bolide à deux roues sur le stationnement du Sugar Cream. C'est là que j'avais donné rendez-vous à Jane. J'avais voulu la sortir de chez elle et elle avait accepté sans réticences. J'en étais ravie. Jane est forte. Je sais bien que sa peine et sa douleur ne sont pas passées et que ça ne s'atténuera pas avant plusieurs mois, mais j'étais contente qu'elle ne s'éteigne pas, qu'elle reste vive et vivante.

J'entre dans le café et je retrouve Jane aussitôt. Je viens me glisser sur le banc devant elle et je pose mon casque de moto.

- Salut. Je suis contente que tu ais acceptée de venir.

Depuis les tristes évènements, j'apprenais à connaître Jane et je commençais à voir pourquoi Leslee l'aimait tant.

Bien qu’un mois complet allait bientôt se terminer depuis la tragique mort de Leslee, Jane n’en était pourtant pas mieux. Elle se sentait vide à l’intérieur, totalement déboussolée et hors d’elle-même la plupart du temps. Il lui était même arrivée de boire trop en plein milieu de la journée ou même à rester chez elle enfermer, mais elle tentait de ne pas montrer ses faiblesses devant les autres. Depuis toujours, la puissante lesbienne faisait partie du clan des forts, les personnes dont la carapace de la fragilité était complexe à détruire, mais JJ ne le laissait pas montrer en publique, en solitaire, elle laissait tout sortir. Donc, en quittant son appartement, Hansley avait fait le choix d’y laisser sa grande peine. Elle ne souhaitait surtout pas craquer en publique ; surtout qu’elle était une figure de loi et beaucoup la connaissait dans cette ville – particulièrement depuis la mort de Leslee – La brunette patientait tranquillement en réfléchissant à tout ce qu’elle venait de perdre lorsqu’une présence s’approcha d’elle. Perdue dans ses pensées, JJ leva le regard vers la blonde qui l’avait rejoint. Elle lui fit un petit sourire et ajouta. « Ça va me faire du bien de sortir, j’en ai foutrement marre d’attendre dans mon bleed pourris ! » Elle laissa échapper un faible rire. La lieutenante n’avait toujours pas repris le travail, bien qu’elle le souhaite, c’était pour bientôt, mais en ce moment, personne ne voulait d’elle. Au commissariat, on l’obligeait à prendre du repos le temps qu’il faudra, mais Hansley ne pouvait pas guérir si elle ne travaillait pas. Ça lui donnait une chance d’oublier un peu ses soucis et elle savait parfaitement que Les aurait préféré qu’elle travaille que de se morfondre ou de boire comme elle le faisait.

Jane & Heather

Un reflet de lumières.

C'était difficile de voir quelqu'un d'aussi douloureusement triste. Je sais reconnaître cette douleur, parce que je l'ai moi-même ressentie. La mort d'Errol avais ravagé toute la famille et en particulier Linus, qui avait touché le fond avant de couper les ponts et de changer de continent. J'étais contente que Jane accepte de sortir, qu'elle accepte de venir boire un truc sans alcool, qu'elle soit sobre de tout. Linus se contentait de fumer des joints dans sa chambre et quand il en sortait, c'était pour aller se saouler quelque part. Linus avait mis un an à remonter la pente, puis il avait traversé l'Atlantique pour aller habiter chez son oncle. Depuis, je ne l'avais vu qu'une seule fois, à son mariage, là-bas, en Angleterre. C'était il y a deux ans. C'est fou à quel point la tristesse peut remuer d'horribles souvenirs. Mais j'ai fait la paix avec ces souvenirs. La mort d'Errol, j'ai finit par m'en remettre. Enfin, pas m'en remettre, mais à me faire à l'idée qu'il ne serait plus là. Mais c'est long, très long.

- Tu me le dis, dès que tu veux sortir et je me fais un plaisir de te trouver un truc à faire, dis-je en souriant, sans tout de même montrer un enthousiasme trop déplace. Je ne suis pas là pour faire semblant qu'il ne s'est rien passé. Tu veux quoi ? Un latté ? Du sucre ? De la crème ? Je te l'offre. Une rosette ? Beigne à l'érable ?

Je ne suis pas encore assise, alors autant aller chercher de quoi boire et manger avant de m'installer. Je pose mon casque sur la table et je sors mon porte feuille, réduit à sa plus simple expression, de la poche de mon blouson de cuir. Le cuir grince, j'adore ce son. C'est pas non plus comme si je devais transporter une fortune en liquide pour aller prendre un café et un beigne avec une amie. Et puis, c'est pas non plus comme si en moto, on avait la possibilité d'avoir un énorme sac à main. Oui, je suis une motarde, mais j'ai aussi d'énormes sac à mains, quand je ne roule pas à moto.

En choisissant ce petit café du centre-ville, Heather sembla être tombée droit sur la meilleure solution pour JJ. Depuis la mort de sa femme, Jane passait le plus clair de son temps à sombrer dans l’alcool. Que ce soit en solitaire dans son appartement ou bien lors des fêtes arrosées en boîte, la brune semblait trouver un réconfort dans la mélancolie de l’alcool. Elle profitait de la vie et s’amusait en dansant et rencontrant des gens que pour le plaisir. En agissant de la sorte, la lieutenante profitait de son congé et ne pensait pas trop à sa copine. Bien sûr, elle ne parlait à personne de sa dépendance. Malgré l’ambition de ce liquide qui pouvait parfaitement gâcher des vies, pour Jane, ça faisait partie d’un quotidien régulier depuis toujours. Jamais on ne pourrait dire qu’elle était alcoolique, elle buvait une ou deux fois par semaine régulièrement, mais elle n’allait pas jusqu’à boire toute la journée ou au boulot. En ce moment, c’était pire, mais elle ne trouva aucune autre solution pour vaincre sa douleur et penser à autre chose. Hansley savait parfaitement que si elle voulait, elle pouvait décrocher et reprendre un constat régulier, mais elle n’en trouvait pas l’envie en ce moment. Aujourd’hui, l’envie d’ajouter une dose de whisky dans son café latté semblait lui faire envie, mais elle se tue. La brune souriait à son amie, bien qu’elle souhaite à l’instant s’arracher l’intérieur d’elle. Elle souffrait à un point de non-retour. Comment allait-elle perdre cette douleur, cette colère intérieur, cette souffrance ? « C’est gentil Heathy ! J’en ai vachement besoin en ce moment, je sors souvent en boîte, mais je vois rarement des amies ! Je sais qu’on se connaissait à peine avant … avant Leslee, mais tu es une foutu bonne copine, j’apprécie ! » Elle opina en dévoilant un faible sourire. La brunette regarda le menu et ajouta. « Ouais, un triple expresso pour moi et un beigne à l’érable. » Un sourire s’échappa de son visage et aussitôt la commande servie, Hansley s’empiffra sans attendre – avec peu de grâce évidemment – une fois terminée, elle s’essuya la bouche telle une enfant et ajouta. « C’est de la merde ces beignes, Leslee, elle avait le doigt magique Godness ! » Et aussitôt, elle baissa nostalgiquement les yeux, fixant le casque de moto. « Tu sais quoi blondie, j’aimerais vraiment faire de la moto, tu me montres ? J’aurais envie de me faire défoncer l’cul sur la route plutôt que de manger de la merde … et j’ai besoin de nouvelle sensation forte ! Holy Shit ! » Elle plissa les lèvres délicatement.

Jane & Heather

Un reflet de lumières.

Ce que me dit Jane me touche énormément,. Peut-être un peu plus que j'aurais du, mais qui pourrait m'en blâmer. Je lui souris et je hoche la tête, puis baisse les yeux, pour cacher une émotion qui vient les embuer et parce que je ne sais pas trop quoi répondre. Y a-t-il quelque chose de plus merveilleux que de se faire dire, merci d'être là, parce que c'est ce que Jane vient de me dire. Surtout dans cette situation, ça me touche vraiment. Ça me touche, vraiment. Moi, au départ, j'ai fait ça parce que je sais ce que ça fait de perdre quelqu'un qu'on aime et parce que je m'en serais voulue d'abandonner la femme que Leslee aimait. Je laisse Jane le temps de choisir ce qu'elle désire et elle me donne sa commande. Je profite de mon petit tour au comptoir pour atténuer mes yeux embués et ma difficulté à respirer, la gorge gonflée par l'émotion. Ce n'est pas une émotion malsaine. Elle est triste, mais la tristesse n'est pas nécessairement malsaine.

Je reviens à la table, les mains pleine de sucre et de caféine. Je tend le triple expresso et le beigne à l'érable à Jane et moi je prend mon latté et mon muffin. Pas que je sois plus santé que Jane, mais les beignes me donnent mal au coeur. Nous dévorons nos calories sans parler, comme si nous n'avions pas mangé depuis des lustres. J'avais trouvé l'idée excellente, mais avec Jane, c'est pas pareil qu'avec Leslee. Bizarrement, tout a moins de goût. Jane exprime tout haut l'explication à mon impression. Je regarde mon muffin, une moue dubitative sur le visage, puis j'hoche la tête. Elle a raison, Leslee était douée. En fait, c'est pas que c'est pas bon, c'est juste que c'est pas les confections de Leslee. Mon muffin goûte les muffins commerciaux. Aucune fantaisie. Tout goûte pareil. Pour ce qui est du café, il goûte le latté, comme les autres. Je suis une accroc au café, mais je ne suis pas difficile, contrairement au thé.

- Ouais... t'as raison, dis-je, en terminant tout de même mon capuchon de muffin, entre deux gorgée de café.

J'avais mis une grosse année, quand Errol est mort, seulement pour éviter de me mettre à pleurer quand on évoquait son nom. Et je ne suis pas une brailleuse de nature. Je trouve Jane très forte de ne pas pleurer en prononçant son prénom. Moi, ça me bouleverse et pourtant, je n'étais pas amoureuse de Leslee. Je l'adorais, elle était une bonne amie, mais je n'étais pas amoureuse. Mais je sais exactement comment Jane se sent. Moi, ce qui m'a permit de tenir, c'est l'instinct de survie. Linus me bouffait toute mon énergie avec ses conneries. Je me demadne ce qui motive Jane. Leslee, probablement.

- Vraiment ? Tu veux que je te montre comment conduire une moto ? Tu sais pas ? T'es flic et tu sais pas ? Bah oui, tiens, ça me surprend. Je pensais que les flics savaient tous monter à moto. Je pensais que tous les flics savaient conduire une moto. Je prend une gorgée de latté et je souris à Jane. Tu sais, pour se faire défoncer le cul, c'est mieux sur un parking. Je sais, c'est à double sens, mais tout de même, l'idée est là. Je jette un coup d'oeil sur le dit parking et j'estime qu,il y a trop de voitures à abîmer pour que ce soit agréable et sans risque. Il te faut un casque et de l'espace. quoique tu peux prendre mon casque. Alors, il ne te manque que de l'espace. Je tapote mon casque du bout des ongles. Toi qui est flic, tu connais un parking qui serait vide à cette heure ? Ou bien une rue calme, avec au moins 500m de route ? Sinon, c'est pas amusant si y a pas 500 mètres pour rouler. Sinon, on se la fait rebelle, toi la petite cuillère, moi la grande.

La mélancolie semblait envahir JJ depuis la mort de Leslee sans qu’elle ne puisse s’en départager. La brunette soupirait et relâchait ses épaules à chaque dix minute et ça, tout au long de la journée. Elle tentait de trouver une solution, un moyen de s’évader et d’oublier durant un moment Leslee ; mise à part l’abus d’alcool. La brunette voyait l’idée d’apprendre la moto d’un bon œil. Elle souhaitait perturber sa routine un peu, elle n’en pouvait plus de cette vie de merde sans son grand amour. Le commentaire qu’elle balança sans gêne la laissa indifférente. Elle fut tombée amoureuse de Leslee grâce à son petit café et jamais elle n’oublierait ses envies de cafés aux petites heures du matin que pour croiser le sourire de la belle rouquine avant d’aller bosser. Enfin, elle se contenta de manger sans réel envie et leva le regard vers son amie – ou plutôt celle de Leslee – lorsqu’elle lui proposa sa nouvelle envie. Le cliché qu’elle lui balança laissa la brunette grimacer. « Non.. c’est pas un fait. J’aurais pu apprendre, mais j’ai jamais eu le temps, maintenant que je suis une foutu veuve, je peux bien m’écraser le crane à quelque part et trouver un nouveau passe-temps pour tuer le temps… » Elle grimaça. Ainsi, la brune réfléchit à un endroit parfait. Elle opina et ajouta. « Ouais, l’ancienne piste d’aéroport à la sortie de la ville, les enfants de chiennes d’ados en rutes se débrouillent toujours pour foutre la merde là-bas …. En pleine journée, ça doit être aussi désert qu’un foutu spectacle de Paris Hilton… » Elle soupira et engloutit son beignet suivit de son café.

Jane & Heather

Un reflet de lumières.

Je ne m'attendais pas à ce que ma surprise du au fait qu'elle ne sache pas conduire une moto allait la vexer. Enfin, la vexer ou l'agacer. C'était que de la surprise, puisque mon père avait apprit lorsqu'il était flic et ensuite, il me l'avait apprit, du coup, je connaissais quelques flics et ils savaient conduire une moto... Connor avait un magnifique spécimen de moto... bon, d'accord, j'avais généralisé.

- Oui, la moto est un magnifique passe-temps. Mais il est hors de question que tu t'écrases le crâne quelque part avec MA moto. Oui, parce que le passe-temps, c'est pas seulement de rouler avec, faut aussi l'entretenir. Et je suis plutôt occupée ces temps-ci, alors si tu pouvais éviter de l'égratigner, voir pire, dis-je, en souriant, comme si je prenais tout ça à la blague, mais en fait, ça m'inquiète un peu.

Errol parlait comme ça, un peu, juste avant de se suicider. Il évoquait toujours un moyen de mourir, mais nous le prenions comme une blague, Errol était si festif et enthousiaste. Qui aurait cru qu'il allait se suicider ?

Jane propose l'ancienne piste de l'aéroport. Ouais, c'est une bonne idée, il y a assez de longueur pour être agréable et si elle dit vrai, ce sera tranquille. Je me demande par contre ce que des ados peuvent bien y faire, c'est un espace ouvert avec une longue piste. Courses de voitures ? Courses de moto ? L'idée est intéressante.

- D'accord, ça me semble un bon endroit pour faire de la ligne droite, prendre un peu de vitesse et avoir un grand angle pour tourner.

J'hoche la tête et je prend une gorgée de café, tranquillement, sans me presser. Je réfléchit en fait aux commentaires de Jane. Elle a toujours eu un langage coloré, mais ces derniers commentaires sont vraiment très sombres. Ça m'inquiète.

- J'ai mis un an à ne plus avoir de larmes aux yeux quand on me parlait d'Errol, dis-je à voix basse, parce que je ne parle jamais d'Errol. J'ai eu trois boulot à l'époque, je faisais du 70h par semaine, samedi et dimanche compris, sans parler que je passais mes nuit à surveiller Linus. Lui, il a préféré l'alcool et la drogue, mais je pense que ni lui ni moi avons réussit à nous distraire assez, à notre façon, pour que ça fasse moins mal. Encore une fois, les larmes me montent aux yeux, mais je les refoule vaillamment. Un an. Ça prend un an avant de pouvoir respirer normalement.

Je n'ai que rarement parlé à qui que ce soit d'Errol et de sa mort. Évidemment, tous les natifs de Lakeview savent, mais personne ne m'en parle jamais. Et c'est mieux ainsi.

(HJ: Désolé du retard XD)

Jane se décourageait déjà de son avenir sans Leslee. Quand on perd l’amour de sa vie, la seule raison de se lever tous les matins, qu’est-ce qu’il nous reste ? La brunette ne le savait pas. Son père était décédé, elle avait son frère et sa mère, mais pas d’enfant, était-ce nécessaire de se réveiller et de vivre heureux pour eux ? La femme baissa la tête, le regard perdu, elle se souvenait de chaque moment passé avec sa douce et s’ennuyait énormément d’elle. Elle n’arriverait plus à aimer, elle était en train de se l’avouer. « D’accord.. je vais m’exploser la cervelle avec autre chose alors. » Elle laissa entrevoir un sourire moqueur qu’elle camoufla avec une gorgée de sa boisson aussitôt. Évidemment, JJ ne faisait pas partie des gens suicidaires, elle déprimait et disait cela à la légère. Elle ne pensait pas à agir de la sorte. La femme écouta les affirmations de son amie. Elle se sentait un peu mieux d’être amie avec Heather depuis le décès de sa copine, elle voyait en elle une femme forte et sympathique. « On peut y aller alors. Tu as terminé ce que tu bouffes ? » Lui demanda-t-elle bêtement. Elle essuya sa bouche à l’aide d’un essuie-main et rejeta la farine qui s’était glissée sur le haut de son pantalon. Elle écouta son amie parler d’une personne qu’elle avait perdu et expliquer qu’avant un an, c’était dur d’oublier. Jane soupira. « Putain… je ne sais pas comment je vais faire. Tu sais pas comment ça me bouffe de l’intérieur, j’ai l’impression que de jour en jour, on me dévore organe après organe, c’est l’enfer merde… » Elle soupira, Hansley gardait une boule dans la gorge depuis le mariage.

[HJ : Navrée également pour le retard XD]

Jane & Heather

Un reflet de lumières.

Je me contente d'hocher la tête, mais le discours de Jane m'intimide. Je n'aime pas tous ses sous entendus morbides, ça me terrifie devrais-je dire, mais je ne le dis pas. Ça impliquerait de raconter beaucoup d'autres choses et je n'en ai pas envie. Pas maintenant. Et jamais en fait. Le seul avec qui j'en bavarde sereinement de temps en temps, c'est avec Nigel. Je lui raconte des trucs qu'on a fait, quand on était gamins. Souvent, nous finissons par nous écrouler de rire à ces souvenirs et de temps en temps, j'arrive à ne pas pleurer.

- Oui, j'ai terminé, dis-je en chiffonnant les papiers et ma serviette.

Je garde tout de ma tasse de carton. Je n'ai pas tout à fait terminer, mais le temps de sortir, de bavarder et de monter la moto, je l'aurai terminé. Je me lève donc et je me dirige lentement vers la sortie. Jane ne semble pas apprécier l'idée de supporter tout ceci encore plusieurs mois. Je ne peux pas lui dire grand chose pour la réconforter, j'ai toujours mal quand j'y pense, j'ai encore les larmes aux yeux quand j'évoque certains souvenirs.

- Oui, c'est effectivement à peu près l'effet que ça fait. Je n'ai rien oublié. Si on te dit que tu vas oublier, que tu passeras à autre chose, envoie les balader. Je ne crois pas que je puisse un jour avoir moins mal, mais je suis beaucoup moins amère. J'ai des souvenirs si heureux avec Errol, je ne veux rien oublier. Il me manque horriblement, mais je ne veux pas l'oublier. Je te dirai, dans quelques mois, de te rappeler des souvenirs heureux. Je ne te dirai pas que ça ira, parce que ça ne va jamais vraiment, mais il y a tant de beaux souvenirs, je ne veux pas les gâcher avec de l'amertume, dis-je, la voix un peu enrouée par l'émotion.

J'enfourche ma moto et je lance ma tasse de carton presque vide dans la poubelle la plus proche. Je tend mon casque à Jane.

- Allez, mets ça et on va aller bouffer un peu de kilomètres et faire de la vitesse.

TOPIC TERMIné.